Dernier posé de l'hélico, les pales déployées
Sud-Aviation

SA.321 Super Frelon

Hélicoptère lourd polyvalent

Historique

Le SA.321 Super Frelon, développé par Sud-Aviation (future Aérospatiale, elle-même ancêtre d’Airbus) est le plus gros hélicoptère produit en France. Il trouve ses origines dans le programme SE.3200 Frelon de la Société nationale des constructions séronautiques du Sud-Est (SNCASE, ancêtre de Sud-Aviation), qui vole pour la première fois le 10 juin 1959. Il n’est pas produit en série car son poids trop élevé ne permet pas d’atteindre les spécifications. C’est ainsi qu’en 1961 la décision est prise de lancer la construction du SA.3210 (puis SA.321) Super Frelon.

La cabine du Super Frelon a une longueur de 7 m (qui permet de loger 2 jeeps) et une largeur de 1,90 m pour une hauteur dans l’axe de 1,83 m. Le volume utilisable est de 22 m³, auquel s’ajoutent 3,5 m³ disponibles dans l’emplanture de queue. La rampe arrière supporte le poids d’un véhicule. Elle peut être ouverte en vol dans n’importe quelle position. À l’aplomb de l’axe du rotor principal, une trappe dans le plancher permet le passage de l’élingue pour le transport de charges extérieures. Le train à roues en diabolo est tricycle non escamotable, la roulette avant est orientable à 360°. Un projecteur orientable pour l’atterrissage est situé sous l’appareil, devant le train avant, un autre est situé sous la poutre de queue.

L’appareil dispose de véritables qualités amphibies. C’était une exigence pour la version Marine, puisque l’essentiel de son activité est le travail en stationnaire à 21 m (70 ft) au-dessus de la mer. Le fuselage, dont le dessous est en forme de coque d’hydravion, est étanche, permettant ainsi l’amerrissage. La stabilité latérale est assurée par deux ballonnets étanches montés sur le train d’atterrissage principal. En cas d’incident, l’appareil peut se poser sur l’eau, flotter et se déplacer.

Le rotor principal, de 18,90 m de diamètre, comprend 6 pales ; il a été conçu avec l’aide de Sikorsky. Le rotor anti-couple, à 5 pales, est monté à gauche. Les boites de transmission principale et auxiliaire ont été conçues et fabriquées par Fiat.

En visant un poids total de 12 tonnes au décollage, 7 tonnes de masse à vide et 5 de charge utile, et compte tenu des turbomoteurs disponibles alors chez Turboméca, il faudra installer trois turbines, des Turmo IIIC, pour arriver au but recherché. Le Super Frelon est ainsi le premier hélicoptère tri-turbines de série construit au monde. Deux turbines sont montées en parallèle à l’avant de la boîte de transmission principale (BTP), la troisième derrière avec échappement à gauche.

La version de série initiale des Super Frelon est livrée avec des Turmo III C3, de 1 350 cv de puissance continue et 1 500 cv de puissance maximale au décollage. La version Turmo IV C7 de 1 570 cv est installée à partir de 1970 et devient le standard. Elle permet de porter la masse maximale au décollage à 13 tonnes.

Il peut transporter 4 membres d’équipage et 27 passagers ou 15 civières (il dispose donc d’un Dinghy de 32 places), emporter 4,5 tonnes sous élingue, et treuiller 270 kg.

Les réservoirs de carburant sont situés sous le plancher de la cabine, pour une capacité totale de 4 000 litres. Deux réservoirs de 500 litres de 400 kg chacun peuvent être installés dans la cabine. Il n’y a pas de perche de ravitaillement en vol, mais une capacité de ravitaillement en vol stationnaire est installée dans les années 90.

Le SA 3210-01, premier prototype du Super Frelon (immatriculé F-ZWWE), est achevé en version « armée de l’air », avec certes une coque hydravion permettant un amerrissage en toute sécurité, mais sans flotteurs. Il est équipé de trois moteurs Turboméca Turmo III C2 d’une puissance unitaire de 1 320 cv, et d’un train fixe. Il effectue son premier vol à Marignane le 7 décembre 1962, au mains de l’équipage composé du pilote Jean BOULET, du copilote Roland COFFIGNOT, du mécanicien navigant Joseph TRUCHINI, de l’ingénieur d’essais Jean-Marie BESSE. Il est suivi par un second prototype et quatre exemplaires de présérie.

Les records du Super Frelon

Devant les bons résultats obtenus lors des essais en vol, Sud-Aviation se lance dans la course aux records. L’appareil est donc préparé avec l’aide de Marcel RIFFARD,  dessinateur des fameux avions de course Caudron : on allège l’appareil au maximum, on l’affine (têtes de rivets recouvertes d’adhésif, poignées de portes démontées, hublots bombés remplacés par des hublots plats, décrochement arrière effacé sous un carénage, train d’atterrissage remplacé par des patins non amortis, moyeu rotor principal équipé d’un carénage hémisphérique.

Le 19 juillet 1963, le record sur base de 3 km à moins de 100 m (300 pieds) d’altitude est porté à 341,23 km/h (> 183 nœuds), au-dessus de la base d’Istres.

Le 23 juillet 1963, le record sur base de 15 à 25 km est porté à 350,47 km/h (> 189 nœuds).

Le même jour, le record sur 100 km en circuit fermé à 1 000 m (3 280 pieds) d’altitude tombe également, à 334,28 km/h (> 180 nœuds).

Plus tard, en 1973, le n°01 participera également aux essais du missile air-mer Exocet, avant de rejoindre le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget le 14 mars 1974.

Production

Prévu initialement pour les trois armées, la fin de guerre d’Algérie annule certains besoins et seule la Marine nationale est livrée. À une exception près car, du 1er juillet 1970 au 7 janvier 1971, le Groupement de liaisons aériennes militaires de l’armée de l’Air utilise un modèle acheté d’occasion. Le premier 321G de série, le n°101, vole le 30 novembre 1965. La production s’achève en 1981, avec 104 exemplaires construits, dont 5 cellules inachevées.

La première commande de la Marine porte sur des versions cargo. Les deux premiers exemplaires, numéros 102 et 103, sont livrés le 22 août 1966. L’accident du 103 lors du vol de livraison entraîne malheureusement le retour du 102 à Marignane. Les livraisons ne reprennent qu’en août 1967, après identification des causes de l’accident et mise en place de contrôles sévères.

La Marine perçoit son premier exemplaire de lutte anti sous-marine (ASM) en décembre 1967. Cette version est équipée du sonar Thomson AQS13, trempé à l’aide d’un câble au niveau de la trappe centrale. À partir de septembre 1981, les Super Frelon de la flottille 32F sont modernisés : ils perdent leur équipement ASM et reçoivent un radar OMERA ORB-32 Heracles II dans le nez ainsi qu’un nouveau calculateur de bord. Les modifications sont effectuées par l’Atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu. Il peut être armé de 4 torpilles US Aerojet Mark 44 de 230 kg, ou 2 missiles MDBA  AM-39 Exocet. Les autres missions confiées au Super Frelon sont le transport d’assaut, le transport de l’arme nucléaire à bord des porte-avions, la recherche et le sauvetage (Search And Rescue, ou SAR). Pour cette dernière mission, il est équipé de cordes, d’un FLIR Chlio, de lance-leurres infrarouges, d’un canon de 20 mm GIAT M621, de la capacité ravitaillement stationnaire, de blindage, et l’équipage est doté de jumelles de vision nocturne.

Emploi opérationnel

La Marine utilise au total 28 exemplaires de cet aéronef, dont les 3 de la présérie. Les premiers appareils sont initialement affectés au Centre d’expérimentations pratiques de l’aéronautique navale (CEPA) 10S de Saint-Mandrier. Le Super Frelon sert ensuite au sein des flottilles : 27S sur la Base d’aéronautique navale (BAN) de Hyères Le Palyvestre, qui a pour mission principale la recherche et sauvetage en mer ; 32F à Lanvéoc-Poulmic et 33F à Saint-Mandrier, dont la mission principale est la surveillance maritime, la lutte anti-sous-marine et anti-navires ; 35F à Saint-Mandrier, spécialisée dans la guerre électronique ; 20S à Fréjus-Saint-Raphaël, ayant pour mission la formation des pilotes d’hélicoptères.

En France, le Super Frelon s’illustre surtout dans des opérations de sauvetage en mer, notamment lors des naufrages du pétrolier Amoco Cadiz (mars 1978), Tanio (mars 1980), Erika (décembre 1999). Il est retiré du service le 30 avril 2010, après 43 ans de bons et loyaux services, avec 150 000 heures de vol à son actif dont 4 000 pour le sauvetage en mer et 2 150 personnes secourues, mais 10 appareils perdus.
Son successeur, le NH90, dont l’arrivée était initialement prévue en 2005, est déclaré opérationnel à l’automne 2011. L’intérim est assuré par deux EC.225 Super Puma.

Le Super Frelon à l’export

En Israël : 12 exemplaires sont commandés, en version transport ;  le premier SA.321K, portant le n°104, est remis à Israël le 18 avril 1966 ;  à partir de 1983-84, ils sont remotorisés avec des General Electric T 58-16 de 1 870 cv, et prennent l’appellation Yas’ur G. Ils s’illustrent à chacune des guerres et entre-guerres d’Israël : guerre des Six-jours (1967), raid sur Beyrouth du 28 décembre 1968 (déclencheur de l’embargo français sur les Mirage 5), opération Rodus en Égypte pendant la guerre d’usure (1967-70), opération Kinuah (Désert) pendant la guerre du Kippour (1973)… Ils sont retirés du service en 1991.

En Afrique du sud :  16 exemplaires sont livrés à partir du 6 mai 1967 ; dépourvus de ballonnets mais équipés de filtres à sable, ils sont utilisés pour le transport et le sauvetage jusqu’à leur retrait le 21 décembre 1990.

En Libye : 14 exemplaires, en version utilitaire et anti-sous-marine, sont livrés, le premier le 28 janvier 1971.

En Chine : 12 exemplaires sont commandés, livrés de décembre 1975 à avril 1977 ; la société Changhe Zhishengji en réalise une copie, le Z-8, à moteurs Lycoming, qui vole le 12 décembre 1985 ; ultérieurement, en mars 2010, alors que les derniers Super Frelon français quittent le service, un nouveau modèle, l’AVIC AC313, dont l’aspect rappelle beaucoup celui du Super Frelon, effectue son premier vol.

En Irak : 12 exemplaires sont commandés, livrés à partir du 15 août 1976, plus 2 pour remplacer des pertes ; ils sont équipés de radar de nez et filtres à sable et dotés de la capacité de tir du missile AM 39 Exocet.

Dans le civil, seuls trois exemplaires sont vendus : un pour le ravitaillement de plateformes pétrolières, un pour la présidence du Zaïre ; un dernier, le SA.321F n° 116, pour 34 à 37 passagers exploité par Olympic Airways dans les îles grecques en 1968 et 1969, puis par le Groupement de liaisons aériennes militaires (GLAM) français du 1er juillet 1970 au 7 janvier 1971.

 

 

Sources documentaires

SA321 Super Frelon Jean-Luc Kerdilès Collection profils avions n°623 Lela Presse
Jets n° 54,55,56
Air Zone n° 21 mai 1998
Le Fana de l’aviation n° 16
Jane’s All the aircraft 1966-67