Le SEM N° 33 à l'appontage
Dassault Aviation

Super Étendard Modernisé (SEM)

Chasseur-bombardier embarqué
Attaque à la mer

Histoire

À la fin des années 1960, la question du remplacement de l’Étendard IVM se pose. Or à cette époque, le Jaguar vient d’être commandé à 200 exemplaires par la France et 200 autres pour le Royaume-Uni. Cet avion étant un avion d’attaque au sol, il est tentant de penser à un dérivé Marine du Jaguar. On pourrait en effet aisément en construire cinquante de plus pour la marine française. Un prototype est construit, le Jaguar M05 : train d’atterrissage renforcé ; crosse d’appontage ; renforcements structurels ; voilure dotée de dispositifs hypersustentateurs permettant des vitesses d’approche plus lentes pour l’usage sur porte-avions (ajout de becs mobiles, volets plus grands et à double fente). Le système de navigation et d’attaque (SNA) prévu est celui du Jaguar français, lui-même dérivé de celui du Mirage IIIE : centrale gyroscopique, radar Doppler, centrale aérodynamique et calculateur de navigation. Le prototype effectue son premier vol le 14 novembre 1969. Plusieurs campagnes d’essais d’appontages simulés sur piste ont lieu entre 1969 et 1971. Le 27 octobre 1971, la découverte de criques sur les attaches moteur du M05 provoque l’arrêt de la campagne porte-avions (PA). Il s’avère que ces attaches, situées dans la partie britannique, n’ont pas été étudiées pour un avion marin, mais seulement pour résister à un crash. Dans le même temps, la Marine commence à trouver que l’avion n’est pas exempt de reproches : les ailes non repliables font perdre la place d’un avion dans le hangar, l’approche et l’appontage en monomoteur sont impossibles. Il faudrait en outre modifier les catapultes, il coûte cher… En 1973, le projet Jaguar Marine est abandonné. La Marine nationale préfèrerait le A-7 Corsair II. Mais pour le premier ministre, Michel DEBRÉ, il n’en est pas question, il faut acheter français, pour l’indépendance nationale et les devises. Il ne reste plus qu’à trouver un avion… À la même époque, a lieu, en Suisse, une compétition pour remplacer les Hawker Hunter, et le Dassault Mirage Milan est opposé au Corsair II. Le Dassault Mirage Milan reprend le SNA du Mirage IIIE modernisé. La confrontation démontre que ce système est périmé. Le match est déclaré nul, le cahier des charges étant jugé mal défini. Pour Marcel DASSAULT, l’avenir est au SNA basé sur une centrale inertielle. Pour contrer les velléités d’achat américain, il fait proposer par son bureau d’études un avion basé sur la cellule de l’Étendard, avec un SNA entièrement nouveau, et l’adaptation de la partie chaude de l’ATAR 9k50, bref un Étendard IV NG (Nouvelle Génération). L’idée plaît au Premier ministre et la Marine s’exécute.

Développement

Pour montrer la faisabilité du projet, il est décidé que les deux prototypes seraient construits à partir de cellules d’Étendard IVM modifiées. L’atelier Prototype de Saint-Cloud s’en charge, à partir du IVM n°68 qui devient le Super Étendard 01, et du IVM n°18 qui devient le SUE 02. Ces avions voient leur géométrie extérieure modifiée, avec une pointe radar, suivie du compartiment équipements contenant l’unité de navigation inertielle (UNI) et l’unité d’attaque (UAT). Le nouveau moteur est intégré. Le premier vol du SUE 01 a lieu le 28 octobre 1974, celui du SUE 02 le 29 mars 1977. Le premier est dédié aux essais en vol de base et à la validation de l’aérodynamique générale.  Le second à l’intégration des systèmes d’armes, aux tests d’appontage, et de catapultage (sur le Foch). Les essais de navalisation montrent qu’il faut améliorer les qualités d’approche. Il devient nécessaire de modifier les dispositifs hypersustentateurs. La voilure de l’Étendard IVM n°13 est donc modifiée et il devient Super Étendard 03 : modification des becs basculants ; adjonction d’un nouvel élément sur les carènes repliables et changement des volets. Il accomplit son premier vol le 26 mai 1975. Après démonstration des qualités de vol (QDV), le SE 03 redevient Étendard IVM 13 en croisant ses voilures avec celles du SUE 01. Le système d’armes intègre une centrale à inertie et le radar Thomson-CSF Agave. Il comprend la capacité d’emport et de tir du missile air-mer Aérospatiale AM39 Exocet.

Production

71 appareils sont commandés. Le premier vole le 24 novembre 1977, le dernier en 1982. La marine argentine commande 14 avions, livrés entre 1982 et 1984. L’Irak en loue 5 de 1983 à 1985 ; 1 sera perdu au-dessus du Golfe Persique. En 1986, une modernisation du système d’armes est décidée sur 48 appareils. Le premier vol du du Super Étendard Modernisé a lieu le 28 octobre 1990 (il ne prend l’appellation officielle de Super Étendard Modernisé (SEM) qu’en 1995). L’avion est doté d’un nouveau radar Anémone à antenne à balayage électronique passive et bénéficie d’une mise à niveau de l’électronique de bord et d’une modernisation du poste de pilotage. Le premier avion modifié est livré fin 1993, et le dernier en 1998. La modernisation se poursuit ensuite, en plusieurs étapes : SEM 1 en 1995 (compatibilité avec le pod de désignation laser ATLIS II), SEM 2 en 1997 (amélioration de la navigation et des contre-mesures), SEM 3 en 1998 (intégration du missile nucléaire Air-Sol Moyanne Portée, ou ASMP), SEM 4 en 2001 (nouveau système de navigation inertielle/GPS) et SEM 5 en 2006 (intégration du pod de désignation laser Damoclès de Thalès, système de guerre électronique amélioré…). Le Super Étendard devient ainsi, toutes capacités confondues, le « couteau suisse » de l’Aéronautique navale : emport nucléaire (AN52 puis ASMP), de missiles air-mer AM39 et air-sol AS30 laser, de tous les types de bombes jusqu’à 400 kg, guidage laser compris, de roquettes de 68 et 100 mm, d’un container de reconnaissance, et ravitailleur en vol.

Carrière

Au total, quatre unités de l’aéronautique navale sont équipées de Super Étendard : les flottilles 11F (1978 à 2011), 14F (1979 à 1991) et 17F (1980 à 2016), ainsi que la 59S (1991 à 1997) qui forme et entraîne les pilotes de l’Aéronautique navale. De 1977 à son retrait du service le 12 juillet 2016, les SUE puis SEM sont engagés dans toutes les opérations de l’Aéronautique navale à partir des porte-avions Clémenceau et Foch puis Charles De Gaulle : Liban (Olifan, 1982-84, missions de surveillance ; dont opération Brochet contre le camp terroriste de Baalbek, le 17 nov. 1983), ex-Yougoslavie (Balbuzard, 1993 ; Trident I et II, 1993-99), Afghanistan (pendant Enduring Freedom et ISAF, 2002-11 depuis le porte-avions Charles De Gaulle, ou la base de Kandahar avec l’armée de l’Air ; dont Héraklès, 2001-02 ; Anaconda, 2002), Libye (Harmattan, 2011), Irak et Syrie (Chammal, contre Daech, 2015-16 ; dont Arromanches, 2015). Au cours de sa carrière, 24 Super Étendard sont perdus accidentellement, dont 5 SEM, provoquant la mort de 7 pilotes et 2 techniciens. Les 5 avions pour l’Argentine sont livrés avant le déclenchement de la guerre des Malouines (1982). Le couple Super ÉtendardExocet y acquiert une notoriété mondiale lors de cette guerre quand l’aviation argentine l’utilise pour couler deux navires britanniques, notamment le HMS Sheffield. Sur les 14 avions, 5 sont perdus. 5 SEM sont achetés 2017, après leur arrêt de service en France. Entre 1983 et 1985, cinq avions capables de tirer des Exocet sont loués par la France à la force aérienne irakienne, alors en plein conflit avec l’Iran. Ils font la transition pour le tir des Exocet en attente de la livraison des Mirage F1 EQ5 irakiens.  

Sources documentaires

Site Dassault Aviation Wikipedia Cols bleus Mer et Marine