Mirage III E 560 au roulage (à Cazaux ?)
Dassault Aviation

Mirage III E

Chasseur-bombardier polyvalent tout-temps nucléaire

Le Mirage III E

Historique

Le Mirage III E est une évolution du Mirage III C, avec des systèmes électroniques plus sophistiqués (d’où la désignation E pour électronique) qui lui confèrent, en plus des capacités de défense aérienne du Mirage IIIC, la capacité d’attaque au sol tout temps : un radar Doppler de navigation CSF NRAC-4A, dont le radôme est situé sous le nez, a été ajouté ; le radar Cyrano I bis du Mirage III C est remplacé par un radar CSF DR-AC-37B Cyrano II B.

Le Cyrano IIB est doté de fonctions air-sol : la cartographie affiche la situation au sol, et laisse au pilote la maîtrise du balayage radar, pour observer une zone particulière ; la carte du sol apparaît en mode PPI (« Plan Position Indicator », qui visualise en gisement-distance depuis le haut comme une carte vue du ciel), et peut être affinée à l’aide des écartométries monopulse ; la découpe selon l’altitude ne signale que les échos au-dessus d’un plan de garde horizontal, pour éviter les obstacles ; un mode de percée en aveugle, qui indique les échos sur un plan de garde situé dans l’axe d’avancée de l’avion, pour traverser une couche nuageuse et voler à basse altitude ; la télémétrie air-sol assure le guidage du missile air-sol AS-30, en maintenant l’antenne fixe dans l’axe de l’avion.

L’ensemble des deux radars confère au système d’armes la capacité de navigation autonome tout-temps et permet l’attaque à basse altitude. Ce système de navigation et d’attaque (SNA) nécessite cependant une très haute technicité de la part du pilote.

Côté propulsion, le réacteur Snecma Atar 9B est remplacé par un Atar 9C, plus fiable et plus puissant. Le propulseur fusée SEPR 841 est remplacé par le SEPR 844 pour améliorer les performances lors des interceptions à haute altitude. La fusée utilise 160 litres de kérosène et 300 litres d’acide nitrique ; son poids est de 245 kg à vide, 690 kg avec le plein ; l’allumage de ce propulseur d’appoint est rendu possible par l’emploi d’un liquide d’appoint, le TX2 (Triethylamine 60% + Xylidine 40%) ; la poussée obtenue est de 1 300 kg au niveau du sol ; elle augmente avec l’altitude.

Le siège éjectable est un Martin Baker Mk 4 RM4 conçu pour fonctionner à toutes les altitudes et à des vitesses comprises entre 90 et 700 nœuds. L’accélération peut atteindre un maximum de 19 g et la vitesse est de 24 m/sec.

Le Mirage III E dispose d’une capacité de reconnaissance d’opportunité grâce à une caméra Omera 60, de 75 mm de focale et 1/2,8 d’ouverture maximum, installée dans la quille de la soute arrière, côté gauche, calée à 25° sous l’horizon. Le magasin permet de prendre 110 vues au format 57 mm x 57 mm. Dans la cabine le pilote dispose d’un viseur polaroïd et d’un interrupteur permettant de régler la cadence de prises de vues, 3 ou 10 images par seconde.

L’armement interne est composé de deux canons DEFA 552 de calibre 30 mm, installés dans un châssis amovible contenant 125 cartouches par arme. Leur cadence de tir est de 1200 à 1400 coups par minute.

Cependant, tous les équipements ne peuvent pas être montés simultanément. Le tableau ci-dessous résume les combinaisons possibles :

L’appareil dispose en outre d’un point d’accrochage sous le fuselage et de deux points sous chaque voilure, permettant l’emport d’armement ou de réservoirs supplémentaires. L’armement externe pouvant être installé se compose de : deux lance-roquettes JL100 contenant chacun 18 roquettes SNEB de 18 mm ; deux missiles air-air infrarouge Sidewinder 1A ; un missile air-air Matra R530 à autodirecteur électromagnétique ou infrarouge ; un missile air-sol Nord 5401 (AS 30) ; des bombes classiques.

Enfin et surtout, le Mirage III E est doté de la possibilité d’emport de la bombe atomique tactique AN 52 de 25 kilotonnes.  le 28 août 1973, le Mirage III E n°617 de l’Escadron de chasse II/4 La Fayette, piloté par le Lcl Étienne COPEL, commandant de la 4ème Escadre de chasse, en effectue un tir réel, de puissance volontairement limitée à 6 kt.

Au cours de sa carrière il est progressivement doté de capacités supplémentaires : missile air-air Matra R550 Magic, missile air-sol AS.37 Martel, lance-roquettes Matra LAU32 et F2. Il peut également remorquer divers types de cibles. Selon l’emplacement, les réservoirs supplémentaires peuvent contenir de 500 à 1700 litres.

Le prototype Mirage III E 01 effectue son premier vol le 5 avril 1961 à Istres aux mains de Jean COUREAU.

Production

Le premier exemplaire de série sort des chaînes en janvier 1964. Le fuselage est fabriqué à Argenteuil, la voilure par Nord-Aviation à Méaulte, la dérive à Biarritz, et l’assemblage final est réalisé à Mérignac.

Carrière en France

182 exemplaires du Mirage III E sont commandés par l’armée de l’Air. En pratique, un exemplaire supplémentaire est livré en remplacement d’un avion perdu alors qu’il était en révision.

Le Mirage III E est mis en œuvre au sein des unités suivantes : le Centre d’expériences aériennes militaires (CEAM; 1964-78), les Escadrons de chasse I/2 Cigognes (1969-84), III/2 Alsace (1968-85), I/3 Navarre (1966-93), II/3 Champagne (1966-91), III/3 Ardennes (1987-94), I/4 Dauphiné (1967-87), II/4 La Fayette (1966-88), 1/13 Artois (1965-92), II/13 Alpes (1965-77). Les deux escadrons de la 2ème Escadre conservent la mission de défense aérienne. Les autres sont spécialisées dans l’air-sol. Singulièrement, les deux escadrons de la 4ème Escadre de Luxeuil assurent la mission nucléaire tactique, avec l’AN 52 de 25 kilotonnes.

Le retrait du service du Mirage III E dans l’armée de l’Air intervient en 1994. Le Centre d’essais en vol utilise le Mirage III E de 1962 à 2005 ; il est donc son premier et dernier utilisateur en France.

Le Mirage III E connaît une très belle carrière à l’étranger

EA Argentine : 17 exemplaires ; il est engagé contre les Britanniques lors du conflit des Malouines (1982).
EBR, EBR2 Brésil ; 13 EBR (monoplaces) et 4 DBR2 ex-français, équipés de plans canard en deuxième partie de carrière.
EE Espagne, 24 exemplaires, désignés C11 dans la nomenclature locale ; partiellement construits par CASA.
EL Liban : 10.
EP Pakistan : 18 exemplaires, puis de nombreux autres de versions diverses du Mirage III ; il est engagé au combat contre l’Inde.
EV Vénézuéla : 7.
EZ Afrique du sud : 17 exemplaires ; il est engagé au combat contre l’Angola.
La version E sert également de base aux versions S pour la Suisse et O pour l’Australie.

Sources documentaires

Manuel du pilote de l’avion Mirage III E, septembre 1964
Mirage III, tome 2 Le Mirage III E dans l’Armée de l’Air. B.Chenel, E.Moreau, P.Audouin. Ed. DTU
Minidocavia 19, Mirage III, Mirage 5, Mirage 50. Hervé Beaumont. Ed. Larivière