Mirage F1 EQ
Chasseur-bombardier multirôle air-air, air-sol et air-mer
Le Mirage F1 BQ
Historique
Au début des années 60, l’armée de l’Air et Dassault étudient le décollage vertical avec le Balzac puis le Mirage III V, ainsi que la géométrie variable avec les Mirage G et G8. Mais ils s’intéressent aussi à une formule plus classique. C’est dans ce contexte que, en 1963, l’état-major de l’armée de l’Air élabore un projet d’avion de pénétration basse altitude, tout-temps, pouvant opérer à partir de pistes courtes et sommairement aménagées, faire une approche à moins de 140 nœuds tout en étant capable d’effectuer des interceptions à vitesse supersonique.
Chez Dassault, l’équipe de Jean-Jacques SAMIN étudie alors le Mirage III F2, biplace, aile haute à forte flèche et hypersustentée, propulsé par un réacteur Pratt & Whitney TF30. Il vole pour la première fois le 12 juin 1966. Il est ensuite rebaptisé Mirage F2 , mais le projet est abandonné en novembre 1967.
Entre-temps Marcel DASSAULT, qui n’appréciait guère le F2, avait lancé sur fonds propres un avion plus petit, baptisé Mirage F1 puis Super Mirage F1 et enfin Mirage F1 C. Cet appareil reprend la formule du F2 mais avec un réacteur SNECMA Atar 9K, comme sur le Mirage IV, et le système d’armes du Mirage III E.
Le prototype, à moteur Atar 9K31, vole pour la première fois le 23 décembre 1966 à Melun-Villaroche, aux mains de René BIGAND. Il trouve la mort à son bord le 18 mai 1967 quand les empennages horizontaux se désintègrent sous l’effet du flutter, lors d’un entraînement à la présentation du salon du Bourget. Malgré cet accident, trois avions de présérie à réacteur Atar 9K50 sont commandés. Le premier F1 C de série vole le 15 février 1973.
Le Mirage F1 C est équipé d’un radar Thomson-CSF Cyrano IV, amélioration du Cyrano du Mirage III avec une portée augmentée de 40% et plus performant à basse altitude. Son armement interne est composé de deux canons DEFA 553 de 30 mm. Il dispose également de sept points d’emport, deux en bouts d’ailes, deux sous chaque aile et un ventral, qui lui confèrent la capacité de tirer deux missiles Matra 550 Magic et deux Matra R 530 ou Super 530. Le siège éjectable est un Martin Baker Mk4, remplacé ensuite par un Mk10.
L’atterrisseur réalisé par Messier se loge, grâce à une cinématique complexe, sur le côté du fuselage laissant libre tout l’espace sous le fuselage. L’aérodynamique est très avancée : le bord de fuite de chaque demi-voilure est équipé de deux volets à double fente et à recul, avec un braquage différent, et d’un aileron assisté de spoilers. Des becs basculants couvrent tout le bord d’attaque.
Comparé au Mirage III, le F1 emporte deux fois plus de charge, double le rayon d’action et présente un temps de poursuite supersonique triplé. À partir de 1977, certains F1 C reçoivent une perche de ravitaillement en vol fixe. Ils sont alors renumérotés dans la série 200 et deviennent des F1 C-200.
Une version baptisée Mirage F1 E (pour Europe), équipée du moteur Snecma M53, est proposée en réponse au « marché du siècle » pour l’équipement de plusieurs forces aériennes de l’OTAN. C’est finalement le F-16 qui est choisi, au moins autant pour des raisons politiques que techniques. Le projet est abandonné, mais la désignation E est reprise pour des avions proposés à l’exportation.
Les autres versions majeures du F1 sont les suivantes :
• F1 A : monoplace d’attaque au sol pour l’Afrique du Sud et la Libye ; remplacement du Cyrano par un CSF-EMD Aïda 2 ; perche de ravitaillement en vol escamotable et télémètre laser.
• F1 CR : 68 avions neufs pour la reconnaissance ; équipé d’une caméra panoramique ou de verticale en avant du poste pilote, et d’un capteur infrarouge Super Cyclope à la place du canon droit ; nouveau système de navigation et d’attaque (SNA), avec radar modifié permettant la remontée d’images FLIR (Forward Looking Infra Red), ou de pod de désignation laser en cabine ; premier vol le 21 novembre 1981.
• F1 CT : modification de 55 F1 C pour l’attaque au sol, avec ajout d’un télémètre laser et suppression du canon gauche ; premier vol le 12 mai 1991.
• F1 E : version polyvalente pour l’exportation.
• F1 MF2000 : 27 avions modernisés pour le Maroc, avec montage d’un radar dérivé du radar Thomson-CSF RDY du Mirage 2000, permettant le tir des MICA ; un nouveau SNA et de nouvelles contre-mesures.
• La version biplace B et D (biplace du E) : réalisée à la demande du Koweït, dépourvue de canons mais conservant la capacité d’emport externe ; l’Armée de l’Air en emploie également ; premier vol le 26 mai 1976.
Production
Une première commande de 30 F1 C est passée par l’armée de l’Air en 1969. Elle en commandera 164 au total, plus 20 F1 B. De nombreux équipementiers participent à la réalisation du Mirage F1. L’assemblage final est réalisé à Mérignac.
Au début des années 90, la société sud-africaine Aerosud et les russes Mikoyan et Klimov modifient un Mirage F1 AZ et un CZ avec un moteur SMR-95, dérivé du Klimov RD-33 équipant le Mig 29. Malgré des résultats satisfaisants, le projet n’a pas de suites.
Export
Outre ses qualités intrinsèques, le Mirage F1 bénéficie de l’aura de son prédécesseur le Mirage III, et de nombreux pays en achètent, pour un total de plus de 400 exemplaires : l’Afrique du Sud (CZ/AZ), l’Équateur (JA/JE), l’Espagne (CE/EE/BE), la Grèce (CG), l’Irak (EQ/EQ-2/EQ-4/EQ-5/EQ-6/BQ), la Jordanie (CJ/EJ/BJ), le Koweït (CK/CK2/BK/BK2), la Libye (AD/ED/BD), le Maroc (CH/EH/EH-200), le Qatar (EDA/DDA – 13 revendus à l’Espagne).
Les F1 irakiens
Avec 120 exemplaires commandés, l’Irak est le plus important client export du Mirage F1, dans une version très fortement modernisée et polyvalente. Leur achat est consécutif à la visite que Saddam HUSSEIN fait en France sous la première cohabitation et des relations qu’il noue avec le Président Jacques CHIRAC. Nous sommes au lendemain de la Révolution islamique iranienne (1979) et à l’aube de conflit Iran-Irak (1980-88). L’Irak est alors doté de matériel russe, pas toujours du dernier cri. Afin de disposer d’une seconde source d’approvisionnement en matériel moderne, ne pouvant idéologiquement se tourner vers les USA, il reste la France. Saddam HUSSEIN assiste à une démonstration du Mirage F1 chez Dassault à Istres, et dit « j’achète ».
Un premier contrat, intitulé BAZ-12, est passé en 1980. Il porte sur 20 appareils, les armements associés, la formation et l’assistance technique. Pour l’anecdote, le nom de tous les contrats et certains matériels ont le préfixe BAZ. C’est ainsi que le missile AS37 devient BAZAR. BAZ-12 se décompose en 4 Mirage F1BQ (numéros de série 4000 à 4003) et 16 Mirage F1 EQ-1 (numéros de série 4004 à 4019). Leur système d’armes spécifique est particulièrement moderne : unité de navigation inertielle (UNI) et calculateur de navigation ; capacité de tir missiles air-air électromagnétique semi-actif Matra Super 530 et passif infrarouge Matra Magic, de missile antiradar BAZAR ; emport quadri-bombes sous fuselage et points 1 sous voilure (14 bombes de 250 kg avec les points 2 de voilure, cela faisait une belle salve !) ; emport de la nacelle de ravitaillement en vol ; emport sous fuselage du pod Syrel (reconnaissance électronique) et en points 2 du pod Remora (brouillage défensif des conduites de tir adverses) ; sous fuselage, du pod CT-51 FQ Caïman (brouillage offensif) ; emport d’un réservoir pendulaire largable RPL 201 sous fuselage de 2 200 litres, spécialement développé pour ce client, et acheté ensuite par la France.
Le premier vol d’un F1 EQ-1 a lieu à Mérignac le 10 octobre 1980, un mois après le début de la guerre Iran-Irak. Le premier BQ aurait fait son premier vol en février 1981.
Un deuxième contrat, BAZ-221, est passé en 1981, pour 16 monoplaces EQ-2 (numéros de série 4020 à 4035). La principale évolution est l’installation d’un radar multifonction. Les livraisons n’ayant pas encore commencé, tous les F1 EQ-1 sont convertis en F1 EQ-2 avant départ de France.
Le troisième contrat, BAZ-321, n’a pas le temps d’entrer en application. En effet, la guerre faisant rage entre l’Iran et l’Irak, le client ajuste sa demande à ses besoins.
En 1982, le quatrième contrat, BAZ-421, concerne 30 aéronefs : 28 monoplaces EQ-4 (numéros de série 4500 à 4503 et 4506 à 4529) et 2 biplaces (numéros de série 4504 et 4505). L’ouverture des points zéro sous voilure et des gondoles de contre-mesures Sycomore sont les principales évolutions.
Le cinquième contrat, BAZ-521, est passé en 1983 pour 28 appareils : 8 biplaces et 20 monoplaces EQ-5 (numéros de série 4560 à 4579). Les trois avions servant au développement du standard EQ-5 seront, une fois les essais terminés, rétrofités au standard ultime EQ-6, tout en conservant leur numéro de série. Les principales fonctionnalités ajoutées sont l’emport du missile AM-39 Exocet sous fuselage, une fonction air-mer pour le radar Cyrano IV, le détecteur radar Sherlock et quelques améliorations mineures du SNA.
Le sixième et dernier contrat, BAZ-621, est conclu en 1984, pour 22 appareils : 18 monoplaces EQ-6 (numéros de série 4600 à 4608 et 4615 à 4623) et 4 biplaces (4656 à 4659). La principale différence avec les versions antérieures est la capacité d’emport de 3 missiles Exocet, sous fuselage et points 1 de voilure. Il porte aussi une très belle livrée gris bleu très foncé et blanc, adaptée à la mission air-mer.
Le contexte change le 16 janvier 1991, lorsque la France déclare la guerre à l’Irak pour ce qui devient la Première guerre du Golfe. Un embargo est décrété sur les avions « livrés » mais encore en France. 8 appareils restent en France, pris en compte par la COFACE. Certains seront revendus à d’autres clients, d’autres serviront de réservoirs de pièces détachées, de plateformes de formation du personnel au sol, etc. Deux cellules complètes, celles du EQ-6 n°4562 et du BQ n°16 font aujourd’hui partie de la collection du CAEA.
Emploi opérationnel
Les Mirage F1 irakiens sont largement engagés et avec succès dans le conflit avec l’Iran (1980-88). Compte tenu de la polyvalence de leur système d’armes, il sont employés dans de nombreux types de missions : défense aérienne d’abord, avec notamment des victoires aériennes contre les F-14 Tomcat iraniens ; attaque au sol de sites militaires, d’infrastructures de valeur, puis dans la « guerre des villes » ; attaque à la mer, avec de nombreux pétroliers touchés avec le missile AM 39 Exocet pour affaiblir l’économie iranienne. On estime le nombre de pertes pendant ces 8 années de guerre à environ 15 à 20 Mirage F1, en combat aérien, par la DCA ou par accident.

Sources documentaires
Marcel Dassault La légende d’un siècle. Claude Carlier. Ed. Perrin
Mirage F1 C et B dans l’Armée de l’Air. Association Delta Reflex
Mirage F1, Check List n° 1. Frédéric Vergneres, Philippe Auger. Ed DTU
Minidocavia n°20. Hervé Beaumont. Ed. Larivière