Br.1050 Alizé
Avion embarqué de lutte anti-sous-marine et de surveillance
Le Br.1050 Alizé
Historique
En 1948, la société Breguet établit les plans du Br.960 Vultur en réponse au programme de la Marine nationale pour un avion biplace embarqué destiné à l’attaque des bâtiments de surface. La particularité de cet avion est sa propulsion mixte, un turbopropulseur Armstrong Siddeley Mamba pour l’autonomie et un turboréacteur Hispano-Suiza Nene pour la vitesse et le combat. Le premier prototype vole le 3 août 1951 mais ne connaît aucune production en série car le programme est abandonné au profit d’un appareil anti-sous-marins.
C’est ainsi que le second prototype du Vultur sert à la mise au point du futur avion, à l’origine baptisé Épaulard par le constructeur. La Marine nationale lui donne le nom Alizé. Cet appareil de 15,60 m d’envergure est doté de voilures repliables (plan central fixe de 6.60 m et deux parties repliables de 4.50 m chacune) comportant des nacelles contenant le train principal, les bouées acoustiques et une partie de l’équipement électronique. 6 points d’attache pour l’armement sont prévus sur la partie repliable et 2 points sur la partie fixe.
Il est motorisé avec un turbopropulseur Rolls-Royce Dart RDa7 Mk 21 de 1 950 cv sur l’arbre à 15 000 tours/min (et 185 kg de poussée résiduelle) entraînant une hélice quadripale Breguet-Rotol Br-4-1000 de 3,35 m de diamètre.
Le fuselage comprend une grande soute armement, un logement pour le radôme escamotable du radar de détection et de navigation Thomson DRAA 2A, les crocs de catapultage montés de part et d’autre de la soute, la crosse d’appontage et la ferrure du Holdback.
Il est servi par un équipage de 3 hommes, pilote, navigateur et, tournant le dos, l’opérateur des systèmes électroniques.
L’armement peut être composé de grenades anti-sous-marines, torpilles, bombes, roquettes, missiles AS.12. Pour la détection, des récepteurs pour bouées acoustiques et des marqueurs sont également montés.
Développement
Le premier vol du prototype 01 du Br.1050 Alizé a lieu en octobre 1956 à Toulouse-Blagnac, piloté par Yves BRUNAUD, assisté de LESCARRET et PERRINEAU. À noter que la date du premier vol de ce prototype est incertaine : des documents aussi crédibles les uns que les autres indiquent soit le 5, soit le 6 octobre 1956.
Au total cinq exemplaires prototypes et présérie sont fabriqués.
La position de la tuyère, à droite en bas du fuselage, pose problème : l’air expulsé provoque un échauffement des pneus, salit le radôme et gêne le personnel. Elle sera finalement installée en position haute.
Les essais sont effectués au sol à Bedford en Angleterre et sur les porte-avions britannique HMS Eagle et français Arromanches. Ils démontrent que l’Alizé peut décoller du pont sans être catapulté.
Production
La demande initiale de la Marine nationale, fin 1956, porte sur 100 exemplaires ; elle est réduite à 75 en 1958. Le premier de série (numéro 1) vole le 26 mars 1959.
L’Indian Navy reçoit 12 Alizé à partir de 1961 dont la production est intercalée avec les Français. Deux exemplaires supplémentaires, prélevés sur le stock français, lui sont livrés en 1968.
Les avions sont assemblés à Biarritz-Parme (ce qui en fait un avion aquitain) à partir d’éléments provenant de diverses usines : fuselage équipé à Toulouse-Montaudran, voilure à Anglet, hélices à Vélizy, empennages par Morane-Saulnier à Tarbes-Ossun.
La production s’achève en juillet 1961 avec le numéro 87.
Évolutions de l’Alizé
De 1964 à 1965, trente Alizé bénéficient d’une amélioration du système d’armes et des récepteurs de bouées acoustiques actives « Julie« .
En 1977 la décision est prise de moderniser 28 appareils par amélioration des systèmes de radiocommunication et radionavigation, nouveau radar Thomson Iguane, détecteur radar ARAR 12A, calculateur de navigation Crouzet Équinoxe utilisant le réseau Oméga, système ARR 52 de traitement des bouées acoustiques. Les avions sont alors désignés Alizé modernisés, alias ALM.
À la suite des observations faites pendant les opérations au large du Liban, de nouvelles modifications sont décidées. Elles portent sur le circuit hydraulique, la génération électrique, les lance-leurres, la radio et divers instruments.
En 1989, le système informatique de transmission des informations tactiques TITANE (Traitement de l’Information Tactique de l’Aéronautique Navale Embarquée) est intégré. Il permet la transmission de données par informatique et non plus vocalement. Deux ans plus tard, il sont équipés de GPS.
À partir de 1996, quinze appareils subissent une ultime modernisation: nouvelle unité de navigation inertielle, nouveau pilote automatique, intégration des détections radar et ESM (Electronic Support Measures, ou Mesures de soutien électronique) qui permettent au navigateur de suivre la situation tactique sans dialoguer avec un radariste, ajout d’un FLIR Chlio. Ces appareils deviennent des Alizé « mis à la hauteur » soit ALH. Toutes ces modifications ne s’appliquent qu’aux Alizé français.
Carrière française
Le premier Alizé de série est livré à la Marine nationale le 20 mai 1959, pour œuvrer en service opérationnel au sein des flottilles 4F, 6F et 9F. À partir de 1982 la 6F et la 4F reçoivent leurs premiers ALM, le 28ème et dernier étant livré fin 1983.
Les flottilles 2S et 3S utilisent quelques appareils pour les servitudes, ainsi que la 59S qui prend un temps le relais de la 6F pour la formation des équipages. La 10S (Commission d’études pratiques d’aviation) devenue temporairement Section d’expérimentation et de soutien effectue des essais de présérie et des mises au point lors de la modernisation.
Outre la lutte anti-sous-marine, une très large palette de missions lui sont confiées : élaboration de la situation de surface, surveillance aérienne, repérage et guidage sur des objectifs au sol, écoute électronique, relais radio, direction des opérations de récupération en cas d’éjection, Recherche et sauvetage au combat (CSAR, ou Combat Search And Rescue), secours en mer et lutte contre la pollution maritime.
L’Alizé embarque sur les porte-avions Foch et Clémenceau. Il participe à plusieurs opérations : Saphir (Djibouti) en 1977 et 78, Olifant (Liban) en 1982, 83, 84, Prométhée (Mer d’Oman) en 1987 et 88, Balbuzard et Crécerelle au large de la Bosnie de 1993 à 96, Sharp Guard pour contrôler l’embargo maritime sur la République Fédérale de Yougoslavie de 1993 à 1996.
Après un dernier appontage le 27 juin 2000 sur le Foch au sein de la 6F, sa carrière française s’achève le 15 septembre 2000, avec un total de 330 000 heures de vol.
La mission de sûreté est alors assurée par les E-2C Hawkeye qui ne sont toutefois pas aptes à reprendre les missions SAR et de service public.
Huit appareils sont stockés, car Thales souhaite les moderniser (encore une fois) et proposer à l’export l’Alizé AMASCOS (Airborne Maritime Situation Control System), mais le projet n’aboutit pas.
Carrière indienne
Dans l’Indian Navy, ils sont mis en œuvre par le Squadron 310 « White Cobras » et embarqués à bord du porte-avions Vikrant. Seuls les Alizé indiens connaissent l’épreuve du feu : le 5 décembre 1971 un Alizé indien attaque et détruit un sous-marin pakistanais de type Daphné (lui aussi de fabrication française), 5 jours plus tard un Alizé est détruit par un missile tiré d’un F-104 pakistanais. En 1987, lorsque le Vikrant est modifié avec une rampe pour les Harrier et sa catapulte démontée, les Alizé sont débarqués et poursuivent les missions de surveillance depuis des bases terrestres jusque dans les années 90.

Sources documentaires
Air Zone n°31, janvier-février 2001
Air Fan n°135, février 1990 ; n°221, avril 1997 ; n°264, novembre 2000
Jets n°26 à 30, février à juin 1998
Flight International Air forces of the world, septembre 1997
Aviation Magazine n°207 du 18 octobre 1956, n°269 15 février 1959
Le Fana de l’aviation n°94, septembre 1977 (extrait du Docavia « Les avions Breguet »)
L’Air n°717, novembre 1956
Le Trait d’Union n°90, juillet 1983
Documents du Major Bruno BOUDET